La neutralité du facilitateur

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Jean-Philippe Poupard

Jean-Philippe Poupard

Il est un mythe très présent chez les personnes qui se forment pour la première fois à la facilitation : il faut maîtriser parfaitement son sujet pour pouvoir bien faciliter !

Dans les faits, maîtriser parfaitement le sujet sur lequel nous facilitons présente une difficulté supplémentaire non négligeable et se révèle le plus souvent être un piège.

Imaginez…

Vous vous réunissez avec vos pairs pour traiter de la réduction des coûts de développement de vos produits. Le processus collaboratif est mis en place par le facilitateur et les échanges commencent. En pleine étape d’émergence des idées, le facilitateur évoque l’importance d’impliquer le plus possible en amont les fournisseurs : « Pensez-y ! », insiste-t-il.

Une simple allusion de cette nature a des effets indésirables sur le lien établi entre le groupe et le facilitateur. Tout d’abord, l’acheteur présent dans l’assistance risque d’être contrarié par ce facilitateur qui se permet une telle incursion dans son périmètre. Et vous-même, comme les autres participants, pourriez penser : « Impliquer nos fournisseurs en amont, c’est évident ! » ou « Il y a bien d’autres choses à faire chez nous avant de penser à nos fournisseurs ! » ou encore « C’est vrai cela ! Pourquoi ne les appelons-nous pas plus tôt ? »

Même si, dans le meilleur des cas, l’apport est pertinent, il est peu probable qu’il soit perçu comme tel par tous les membres du groupe. Par contre, une telle remarque du facilitateur contribuera très vraisemblablement à semer le doute sur sa posture : « Est-il là pour nous aider à travailler ensemble ou pour nous donner des conseils ? »

Imaginez maintenant que le facilitateur partage ses opinions à plusieurs reprises. Très rapidement, vous douterez de la crédibilité de ce facilitateur et vous aurez raison. En vous avisant sur le contenu de vos échanges, il brouille votre réflexion collective et vous empêche de vous focaliser sur vous-même, vos expériences et vos connaissances … en d’autres termes plus imagés, il vous fait de l’ombre.

Arrivé à ce stade, le groupe exprimera très certainement une forme de résistance à l’encontre du facilitateur, verbalement ou non. Et comment peut-il alors être certain de garder le contrôle du processus collaboratif jusqu’à la fin de la rencontre et d’obtenir l’engagement de chacun des participants dans la suite des opérations ?

facilitateur neutreDans un travail parfois sensible et aux avis contrastés, le groupe a besoin de sentir qu’il y a une présence impartiale qui, quoiqu’il arrive, saura guider le groupe au-delà de ses doutes, contradictions et éventuelles divisions. Voilà pourquoi, être totalement neutre sur le contenu de la réunion est le plus sûr moyen de conserver sa juste place de facilitateur. Le plus sûr moyen aussi de construire et de maintenir la confiance du groupe tout au long du processus.

Neutre sur le contenu tu resteras et les ennuis tu t’épargneras.

Avis d’un facilitateur en posture d’auteur pas tout à fait neutre sur ce sujet…

😉

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