Séminaire à réinventer d’urgence!

Petite devinette : combien d’euros ont été dépensés en 2010 par les entreprises établies en France en tourisme d’affaires (conventions, séminaires, incentives, évènementiel, congrès) ?

Selon une étude[1] menée auprès de 522 organisations spécialisées, ce sont quelques 8,81 Milliards d’euros qui ont été dépensés en 2010 en tourisme d’affaires. Cela représente l’équivalent des dépenses de ces mêmes entreprises en formation professionnelle pour l’année 2008[2].

Les séminaires représentent à eux seuls 82% des évènements comptabilisés.

Mais, au fait, à quoi servent ces séminaires ?

Toujours selon cette même étude, les séminaires servent avant tout à informer et à motiver. Autrement dit, on y entend la Direction présenter les résultats et les changements à venir. Et comme les menus détails de la mise en œuvre seront laissés à la charge du management intermédiaire, il convient de motiver tout le monde autour de ces ambitieux projets. Les beaux discours sont alors accompagnés d’animations récréatives : du saut en élastique dans les gorges de l’Ardèche au tournoi de golf en Ecosse en passant par la superstar qui vient partager son énième exploit ou encore l’immersion dans un univers théâtral ; les idées créatives ici ne manquent pas. Parfois, une courte tranche participative s’insère dans l’agenda. Mais l’investissement mis dans ces ateliers n’ayant que trop rarement d’échos opérationnels, la crédibilité de la démarche est mise à mal. Le discours selon lequel la Direction est ouverte aux idées des troupes ne trompe plus personne.

Dans le climat ambiant des réductions de coûts tous azimuts, nous pouvons nous poser la question de la rentabilité de ces séminaires. Certes, personne ne doutera de l’intérêt d’un bon moment de détente entre collègues, mais qui pourrait allègrement défendre le bilan de ce type de séminaire en terme de motivation et d’engagement des équipes dans les projets mis en avant ?

Deux écueils me semblent expliquer l’inefficacité de ces séminaires :

Premièrement, si comme les précédents, les nouveaux projets avancés par la Direction sont le fruit de quelques élus (qui sont le plus souvent des consultants externes à l’organisation), les marges de manœuvre pour les acteurs sont trop faibles pour se les approprier et leur donner sens. La démarche est trop descendante pour être responsabilisante. D’où, d’ailleurs, ce sentiment persistant de lassitude vis-à-vis de ces nouveautés annoncées en grande pompe, qui ne font que réactiver les déceptions du passé. Une vague de détresse lente et profonde qui pourrait se traduire par : « nous aussi, on pourrait avoir de bonnes idées … si on nous écoutait et si on nous faisait confiance !!! »

Deuxièmement, dans ce type de manifestation, l’intelligence collective du groupe constitué est très largement sous-utilisée. Rares sont les occasions de se retrouver en si grand nombre. Sans doute serait-il plus utile de réfléchir ensemble plutôt que de rester passif à encaisser les discours en attendant les pauses et les petits fours pour enfin parler de ce qui intéresse vraiment les personnes présentes. Et quand bien même le discours est intéressant, pertinent et alléchant, peut-il l’être autant que la fertilisation croisée de tous les esprits réunis ?

heavent seminaire à reinventer urgenceHeavent, un des salons spécialisés dans les séminaires d’entreprises, affiche dans son programme de conférences un sujet qui mérite toute notre attention dans ce blog : « Conventions : à l’heure des « tweets » en direct, la grand messe a-t-elle vraiment changé ? » avec pour descriptif celui-ci :

« Les aspirations des collaborateurs sont plus que jamais tournées vers des valeurs de partage et de responsabilisation. Dans un climat social souvent morose ou tendu, les événements internes doivent favoriser l’aventure collective et se concevoir afin de revitaliser l’expression de tous les collaborateurs, mais qu’en est il réellement ? Jusqu’où les annonceurs sont-ils prêts à impliquer les collaborateurs ? Plutôt qu’une révolution ne faut-il pas parler d’innovations multiples, et quelles sont-elles ? Comment trouver le ton juste et le bon dispositif ? Les écueils à éviter »

Voilà des interrogations pertinentes ! Pour une transformation pérenne des organisations, les leaders d’aujourd’hui doivent assurément créer les conditions d’une innovation multiple[3] ,où le pouvoir de décision n’est plus centralisé, mais partagé, où la voix de tous n’est plus filtrée, mais stimulée et valorisée, où le contrôle déresponsabilisant laisse vraiment place à la prise d’initiative et à la prise de risque engageantes. Ainsi, les nouveaux programmes annoncés en grande pompe doivent servir à créer ces conditions d’émergence de la créativité, de l’initiative et de l’innovation, seul bon terreau pour faire naître les transformations nécessaires et assurer l’avenir de l’organisation : c’est aussi la finalité d’une démarche de facilitation. Quoi de mieux qu’un séminaire pour l’expérimenter ?


[1] Estimation réalisée par le cabinet Coach Omnium sur déc. 2010 et janvier 2011 auprès de 522 organisations spécialisées.


[2] Chiffres du CEDEF (Ministère d’économie) : 8,8 Milliards d’Euros dépensées par les entreprises privées de 10 salariés et plus en formation professionnelle pour l’année 2008.


[3] Innovations dans les produits, les services, les modes de gouvernance et surtout dans les modes de management, l’innovation managériale chère à Gary Hamel.