Priorisation intégrale

Un processus de facilitation est le plus souvent divisé en deux phases : l’émergence et la convergence. La priorisation[1] marque le passage de la première phase à la seconde. Pour mener à bien cette priorisation, plusieurs possibilités s’offrent au facilitateur. Du simple bâtonnet à la gommette, en passant par le vote à main levée, le facilitateur a l’embarras du choix. Mais tout facilitateur qui a pu expérimenter différents modes de priorisation sait combien ce choix influence le résultat final.

Je souhaite partager ici une méthode de priorisation que j’ai développée et utilisée avec satisfaction à maintes reprises. Je l’ai baptisée la priorisation intégrale[2].

La liste d’idées ou de propositions est là ; face à ce large panel, vous invitez le groupe à prioriser en leur proposant trois axes d’attention : le cœur (vibration), la raison (réflexion) et les instincts (pulsion d’action immédiate). Voici comment je les présente :

coeurLe cœur correspond à toutes les propositions qui vous tiennent à cœur. Celles pour lesquelles vous seriez prêt à vous investir significativement afin de les mettre en oeuvre et les développer. D’une certaine manière et sans forcément savoir l’expliquer, ces propositions vous touchent. C’est un choix irrationnel, lié à une émotion, une vibration, un élan du cœur.

mental cerebralLa raison correspond à toutes les propositions que vous jugez pertinentes, brillantes d’intelligence. D’après votre expérience, ces propositions vous paraissent intellectuellement pertinentes et très prometteuses. Votre intérêt et votre curiosité intellectuelle sont aiguisés. C’est un choix purement rationnel, logique, cartésien.

poing ferme actionLes instincts, c’est la voix de l’action immédiate. Quelles sont les propositions qui vous paraissent les plus rapides et faciles à mettre en œuvre ? C’est la volonté d’un résultat rapide et efficace qui vous motive. C’est un choix impulsif tourné vers l’action.

Une fois ces trois axes présentés, le plus simple consiste à utiliser des gommettes de couleurs (3 gommettes rouges, 3 bleues et 3 vertes par personne – le chiffre est bien sûr à déterminer en fonction du nombre d’idées collectées). Evidemment, un participant peut poser une gommette rouge, une gommette bleue et même une gommette verte sur une même proposition. Cependant chaque gommette aura naturellement une signification différente.

A l’issue de ce vote, le groupe connaît ses priorités par axe de perception ; il ne reste plus qu’à l’inviter à établir un plan d’action qui réponde aux priorités de chacun de ces axes.

Dans une priorisation classique, les émotionnels choisissent selon leurs émotions, les cérébraux choisissent selon leurs réflexions rationnelles et les instinctifs privilégient ce qui peut être mis en œuvre immédiatement. Chacun reste dans sa zone de confort.

La priorisation intégrale permet à chacun de se focaliser et de s’exprimer selon trois composantes de l’être humain : les émotions, la raison et les instincts. Chacun est invité à écouter ses émotions, réfléchir et laisser exprimer son désir d’action. Un bon moyen pour s’assurer que les priorités fixées et les actions qui en découlent soient en harmonie avec trois angles de vues communs mais rarement mis en commun ; un premier pas vers une décision collective intégrale.


[1] Bien que le terme « priorisation » soit largement utilisé et répondu, il ne figure dans aucun dictionnaire de la langue française. Je le préfère de loin au terme « hiérarchisation » ou à l’expression « liste des priorités ». Il marque plus nettement une étape du processus sans avoir la connotation descendante de la hiérarchie.


[2] J’ai choisi l’adjectif « intégral » dans le sens de complet, entier. N’y voyez aucun lien désiré de ma part avec la « théorie intégrale de la conscience » de Ken Wilber.